Sur le plateau de l'émission ce soir ou jamais, un phénomène presque quotidien s'est déroulé : un invité a sévèrement critiqué Nicolas Sarkozy. Cependant, cette fois-ci, le politologue Emmanuel Todd est allé au bout de sa pensée et au bout de ses tripes, en décrivant notamment le Président de la République comme un "machin à la tête de l'Etat" -vidéo ci-dessous-. Il ne s'est donc pas contenté des tendres et usuelles critiques entendues à longueur de journée sur les chaînes de télévision.
Le discours d'Emmanuel Todd, particulièrement virulent, est tout de même étayé d'arguments objectifs qui font réfence à la pierre angulaire de notre démocratie, la Constitution. Ses propos ont immédiatement soulevé un vif débat, en particulier avec Jacques Attali, économiste et ancien conseiller de François Mitterrand, qui déclare "[qu'on parle] tout de même du Président de la République" ajoutant "qu'il y a des limites". Phrase surprenante qui signifierait que dès lors qu'il est question du chef de l'Etat, il est obligatoire de s'autocensurer et de marquer quelque signe de déférence. Or, quand l'attitude de Nicolas Sarkozy est examinée depuis le début de son quinquennat, difficile de soutenir que le respect soit sa marque de fabrique -"casse toi pauvre con", tout le monde s'en souvient-. Par conséquent, pourquoi s'abstenir d'évoquer en public sa pensée sur Nicolas Sarkozy, même si elle est à la limite de l'outrage, quand le Président de la République brille davantage par sa vulgarité que par sa distinction ?
Probablement parce qu'aujourd'hui, en France, la critique est encadrée. Comme il existe une idéologie bien pensante, il existe aussi une critique bien pensante, avec des critères définis, qu'il est impossible de transgresser, tout du moins en public. La réaction de Jacques Attali est à cet égard révélatrice : comme Nicolas Sarkozy dispose d'un statut, en l'occurrence celui de Président de la République, il est de rigueur de s'abstenir d'effectuer des commentaires qui peuvent être jugés impertinents, même s'ils sont considérés par certains citoyens -voire beaucoup- comme justifiés. Autrement dit, ce ne sont plus les actions et le comportement d'une personne qui doivent dicter la critique mais son statut. Si l'analyse est élargie et poussée à son extrême, cela reviendrait, en substance, à protéger ceux qui détiennent le pouvoir, dans la mesure où ce sont eux qui disposent de statuts -un bon vieux retour à l'aristocratie en somme-. La critique, la remise en cause ne toucheraient que les plus faibles et l'ordre établi serait préservé.
La problématique de la critique bien pensante se retrouve aujourd'hui à de nombreux niveaux : pour exemple, l'éviction de Stéphane Guillon et de Didier Porte de France Inter -deux humoristes qui avaient l'habitude d'effectuer des textes relativement sanglants sur les politiques- en sont le reflet. Il n'est plus possible de titiller les hommes de pouvoir, de manière provocatrice et "border-line", sans être victime de l'effet boomerang. La critique doit faire partie de ce qui est arrogamment appelé le "mainstream". Ceci explique pourquoi ce sont presque toujours les mêmes invités qui sont présents sur les plateaux télé, se relayant les uns à la suite des autres -Jean d'Ormesson, Bernard Henri-Levy etc.- Eux, font partie du "mainstream". Comme dans tous les domaines, la diversité demeure bien plus un idéal qu'une réalité.
Frédéric Taddeï, l'animateur, est particulièrement mal à l'aise ... Preuve qu'il ne souhaite qu'un débat stéréotypé, sans relief, sans vagues. Emmanuel Todd risque de disparaître des plateaux télé pendant un petit bout de temps ...
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